La Bernina en ski alpinisme

De Sils Im Engadin au Passo Bernina

Un raid sur la planète haute montagne, tout en haut de l’échelle de la nature. 

4 jours

7 à 23 km/jour

200 à 1900 m dénivelé / jour

Au fil des jours

 Une fenêtre météo se dessine. Claude est libre. Nous filons vers la Bernina. Nous sommes déjà en fin de saison. Tout est fermé en bas, les refuges sont ouverts en haut, la neige manque.

Cette traversée part dans la vallée de Fex, longue et peu fréquentée. Ici chariots à cheval et hôtel de luxe réservent seulement des prix « suisses » élevés. Nous choisissons l’option bon marché, à pied de Sils, puis à ski ! Nous contournons une cascade infranchissable par un détour complexe entre des barres rocheuses. Col à 3100m, belle descente sinueuse, dure montée finale pour atteindre le refuge Marinelli après 1900m de dénivelé et 23 km. Ouf ! J’étais là avec des amis de jeunesse, il y a 40 ans. Est-ce le dénivelé ou l’âge ? Fatigue.

 

Le lendemain, seuls, nous poursuivons vers le refuge Marco e Rosa à 3700m, accroché à son perchoir au pied du sommet de la Bernina. Neige gelée, beaucoup de glace et de rocher sec, l’étape de la veille est encore présente dans nos muscles. Claude casse un couteau. Il devra cramponner plus souvent et moi, l’assurer pour éviter les risques des crevasses. Nous n’envisageons pas l’ascension du 4000 dans la foulée, en mauvaises conditions. Repos mérité et contemplation. Nous profitons de cette solitude d’altitude, entourés de montagnes et glaciers en majesté. J’imagine la vie difficile des gardiens ici. Tous les accès sont complexes. La voie que nous avons suivie passe par un couloir gelé surmonté d’une via ferrata aux échelles impressionnantes. Toutes les autres voies sont glaciaires, crevassées, « piégeuses » dans le brouillard. L’hélicoptère joue ici son rôle de bonne fée des gardiens.

La suite est un rêve d’alpiniste skieur en suivant des écharpes glaciaires à près de 4000m jusqu’à la traversée du Palu et ses arêtes lumineuses en plein ciel. Nous partons tôt. Le froid et le vent piquent, peut-être -15°. Et je casse une fixation ! C’est la première fois de ma vie de skieur. J’envisage des descentes hasardeuses en crampons… fragilité du skieur de montagne ! J’essaie de bloquer ma chaussure à l’aide d’une sangle. Tentatives de descente. Cela semble tenir. Je vais devoir skier à l’ancienne, sans sécurité et tout en légèreté. Nous cheminons à travers des séracs spectaculaires, des langues de glace entre parois. Vue à 360° sur des hautes montagnes infinies, immenses. La paroi nous oblige à quelques longueurs d’alpinisme mixte pour atteindre l’arête effilée vers le Mont Palu. Je jubile de ces passages techniques à la recherche du meilleur itinéraire. L’engagement participe à l’euphorie de ces hauts lieux. Au sommet, je lis du soulagement et du bonheur dans les yeux de Claude. Le vent hurle et nous précipite l’un vers l’autre.

Nous retrouvons la voie classique à la descente, et nombre de skieurs. Cette « normale » du Palu est sérieuse : arête raide et exposée, séracs, crevasses énormes et ponts de neige fragiles. J’évalue les risques conscients ou non, de tous ces pratiquants non encordés et en groupe au milieu des crevasses, montant sous des amas de glace en équilibre ??? Les conditions de la haute montagne changent et la sécheresse accroit les dangers. Nous descendons encordés en ski, zigzaguant entre les énormes trous : une technique épique et bien sportive. Claude me tient en laisse avec mon ski bringuebalant. Il ne reste plus qu’à se laisser glisser dans les grandes pentes du glacier jusqu’au haut des pistes de Diavolezza.

Nous ne dérogeons pas aux règles de continuum du Fil de l’Europe et trouvons couloir et plaques enneigés pour rallier le Passo Bernina et ses lacs glacés. Nous glissons à ski jusqu’à la petite gare d’altitude. Le quai est vide. Le train s’arrête à notre vue. Des touristes helvètes retraités nous dévisagent comme des extra-terrestres. Nous venons effectivement d’un autre monde.

  • Difficulté 90% 90%
  • Hébergement – Confort 60% 60%

Quel plaisir d’altitude que cette chevauchée de Bellavista au Piz Palu. Rêver de cette traversée au plus près des arêtes, puis mixer météo, conditions et disponibilité, un cocktail difficile pour une récompense inoubliable.

Le point de vue de Frédéric

Détails du parcours

Raid d’altitude exceptionnel réalisé fin avril. Les étapes sont très variables, mais présentent toutes des difficultés techniques entre ski et course d’alpinisme. En 4 jours, le parcours est de 55 km et 4000 m de dénivelé. La moyenne par jour ne veut rien dire, la première étape fait 23km et 1900m, la seconde et la troisième sont moins longues, mais présentent plus de challenges techniques.

J1 / J156 Sils Im Engadin – Passo Scerscen 3100m – Rifugio Marinelli
23 km    1900 m. Très longue étape que l’on peut raccourcir éventuellement en prenant les navettes en chariot dans la vallée de Fex depuis Sils jusqu’à l’hôtel Fex, mais il est alors difficile de partir tôt. Quant au prix de la chambre à l’hôtel Fex….
  Départ: hôtels à Sils ou navette en bus depuis le Majola pass (Sporthotel). Arrivée: rifugio Marinelli.

J2 / J157 Rifugio Marinelli – Rifugio Marco e Rosa
 7 km    910 m La montée sous le refuge Marco e Rosa est une course de neige ou mixte en rejoignant la via ferrata raide (corde utile). L’enchainement avec le sommet de la Bernina est faisable par bonnes conditions et forme. Il s’agit plus d’alpinisme que de ski.
  Rifugio Marco e Rosa situé vraiment en haute montagne.

J3 / J158 Rifugio Marco e Rosa – Bellavista – Piz Palu 3900m – Diavolezza
15 km    950 m. Bien vérifier les conditions de la descente du Palu, toujours très crevassée. La petite partie versant sud est raide, à négocier pas trop tard.
  Berghaus Diavolezza en haut des pistes. Tout confort. Version dortoir pour les alpinistes.

J4 / J159 Diavolezza – Passo Bernina
9 km    200 m Départ sur piste, puis rapidement hors piste.
 Hôtel au Passo Bernina fermé en hiver, mais le train s’arrête au Passo même. La gare s’atteint à ski! Le train permet de rejoindre le point de départ à Majola pass avec un changement à Saint Morritz.

 Raid engagé en altitude, ski et alpinisme avec des nuits confortables. Matériel de ski sur glacier complet. C’est magnifique par beau temps. Vent souvent présent.

 La descente du Palu est très crevassée et doit se faire avec prudence même si fréquentée. La traversée du Palu est une course d’arête en neige facile. L’ensemble est sérieux, mais vaut le coup.

 Des tracés en alpinisme ou variante à ski ou en randonnée restent à décrire, que ce soit avec hébergement ou en autonomie sous tente, ou encore un parcours en sens inverse. Avis aux amateurs, n’hésitez pas à nous envoyer vos traces et commentaires. 

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