Traversée de l’Oberland à ski

De Blatten à Grimselpass / Oberwald

Au cœur de l’Europe, il existe ici un carrefour immense de glaciers polaires en majesté. Un raid ++, ambiance Groenland. 

finalement peu, tant tout est beau à 360°. Mais comment cautionner cette pratique au bilan carbone détestable ? Deux visions du monde nous séparent. Ils ont tort. La montagne mérite mieux aujourd’hui, pour l’avenir. Nous rejoignons Konkordia hutte et ses échelles de babel qui malheureusement témoignent des ravages du réchauffement climatique.

J3 L’objectif affiché est de faire en aller-retour le Grunegghorn, puis de franchir un beau col en U pour atteindre le glacier Flescher. Nous remontons des pentes soutenues, passant d’un froid glacial à l’ombre, à une chaleur torride au soleil. Les pics se dévoilent à l’infini : Aletschorn, Mont Rose, Weisshorn, Cervin, Jungfrau… 300m sous le sommet un verrou plus raide est dominé cette année par une importante corniche. Nous devons faire à pied 50m exposés directement sous la corniche, au-dessus d’une barre rocheuse, par forte température. C’est depuis longtemps, un risque que je me refuse à prendre. Demi-tour, le jeu n’en vaut pas la peine imprévisible. Nous dévalons dans la lumière, « re-peautons », traversons des champs de glaciers jusqu’au refuge.

J4 Gravir le Finsteraarhorn, plus haut sommet de l’Oberland, est un must. Nous partons tôt, car le refuge étant complet ce soir, nous devons ajouter à l’ascension, la traversée vers un autre refuge via un col… La montée est rude, raide, longue. Deux d’entre nous s’arrêtent à 3600m et attendront. Au col à 4070m, nous sommes 4, puis 3. Au-dessus, l’arête se fait en alpinisme. La difficulté est modérée, mais le terrain est mixte, la ligne vertigineuse. La sécurité est auto individuelle : crampons, piolet et mains sur du rocher médiocre. La corde est un outil assez illusoire dans ce type de terrain, et fait perdre un temps précieux. Nous ne l’utiliserons pas. Monique hésite. Nous avançons cependant tous les deux avec prudence. A 4220 m, 50m sous le sommet, le temps se détériore nettement, Monique est tendue. La perspective de la descente, du prochain col alpin à franchir, des copains qui attendent dans le froid, des nuages qui assombrissent les lieux, elle souhaite faire demi-tour. Dois-je insister ? Plus jeune, je l’aurai sans doute fait. Mais ses arguments me touchent. Nous sommes emmitouflés. Je sais que nous allons perdre encore une petite heure, que la descente est délicate. Tant pis pour le sommet. Nous avons encore un long chemin. L’équipe se réunit dans cette magnifique descente glaciaire en écharpe, avant de remonter en crampons la raide pente du Gemschlicke. Des virages de joie nous attendent sur le glacier Studer. Nous sommes seuls, les montagnes sont tout autour, immenses, immaculées. Tout est puissance et harmonie. Nous arrivons à l’Oberaarjoch Hutte avec le mauvais temps. Cela balaie mes derniers regrets. En allant au sommet, nous aurions dû traverser le col et le cirque glaciaire sans visibilité… Je m’habitue aux renoncements. Serait-ce l’âge ? Ou ma faible motivation devant ce fier sommet, mais imprononçable et ruiniforme ? Ou tout simplement le bonheur de dire oui à ma compagne de cordée et de vie ?

J5 Le temps est maussade. Il a neigé. Nous descendons à reculons les échelles gelées du refuge si douillet. L’étape est longue et technique par mauvaise visibilité. Descente encordée sur le glacier, pente délicate pour accéder au barrage du lac d’Oberaar, longue traversée ascendante complexe. Les nuages se déchirent par instant, fenêtres sur montagnes blanches, sinusoïdes de roche et de glace, volutes endiablées. Que j’aime cette sauvagerie alpine ! Ma vie en a besoin. L’ultime descente sur le Grimsel pass est un défi d’orientation. Nous ne voyons que le bout de nos spatules, et le moindre rocher ou trou provoque un haut le cœur ! Nous sommes sur la route au col même, mais ne la voyons pas. Les congères cachent tout et je ne reconnais rien des paisibles pâturages du Grimsel pass. Nous dévalons enfin les pentes raides au dessus des sources du Rhône jusqu’à la gare d’Oberwald que nous atteignons en ski. Etape éprouvante de 25km. Pourrons-nous encore longtemps réaliser ce type d’aventure ? Les renoncements font partie de la vie qui passe. Serais-je prêt ? J’ai souvent changé de cap, mais j’aime profondément ces efforts sur l’interminable ligne de partage des eaux.

Détails du parcours

L’Oberland possède la plus grosse calotte glaciaire des Alpes. Ce raid est majeur, tant par l’altitude, quelques ascensions sérieuses, l’engagement, que par le risque météo. Environ 85km et 6000 m de dénivelé parcouru soit une moyenne de 14 km et 1200 m par jour.

J1 / J133 Blatten – Hollandia Hutte
11 km    1720 m Longue étape d’entrée dans l’Oberland.
 Les bus desservent bien Blatten. Sinon hôtel Nest-Und Bietschhorn*** à Blatten ou plus simple hôtel Ambord à Ferden. Arrivée à Hollandia Hutte 3240m.

J2 / J134 Hollandia Hutte – Ebnefluh 3960 m – Konkordia Hutte
16 km    1000 m
  Konkordia Hutte et ses échelles.

J3 / J135  Konkordia Hutte – Grunegghorn 3860 m – Finsteraarhorn Hutte
10 km    1200 m Suivant conditions, attention à la corniche avant l’arête sommitale du Grunegghorn.
  Finsteraarhorn Hutte

J4 / J136 Finsteraarhorn Hutte – Finsteraarhorn 4274 m – Oberaarjoch Hutte
12 km    1630 m La partie sommitale du Finsteraarhorn ne se fait pas à ski, mais est un parcours d’arête d’alpinisme mixte. La difficulté n’est pas importante, mais il faut être à l’aise dans ce type de terrain instable et en altitude.
  Oberaarjoch Hutte

J5 / J137 Oberaarjoch Hutte – Grimsel pass – Oberwald
19 km    500 m Long itinéraire principalement descendant, complexe dans le brouillard.
 Arrivée directement à la gare d’Oberwald en ski. Hôtels à Oberwald ou plus bas dans la vallée.

Matériel glaciaire complet nécessaire. Une corde d’une vingtaine de mètres pour 3 à 4 personnes suffit. Les refuges suisses sont confortables dans un tel environnement (prendre des sacs drap) .

L’altitude, l’engagement et la longueur des étapes sont à prendre au sérieux. Un raid en Oberland, au coeur des Alpes suisses, n’est jamais gagné côté météo et nivo. Donc si il y a un conseil important, restez souples sur les dates! Mais le jeu en vaut la chandelle.

 Les tracés et variantes en alpinisme et ski restent à parcourir, que ce soit avec hébergement ou en autonomie sous tente, ou encore un parcours en sens inverse. Avis aux amateurs, n’hésitez pas à nous envoyer vos traces et commentaires.