Le massif du Rila en raid à ski
De Pionerska à Borovets
Un raid à ski majuscule qui traverse le massif du Rila, plus haut sommet des Balkans à 2925 m entre Méditerrannée et mer Noire.
5 à 8 jours
17 km/jour
1160 m dénivelé / jour
Au fil des jours
Me plongeant sur la suite du Fil de l’Europe, je ne pensais pas trouver encore un raid à ski possible à l’Orient de la Croatie. Je cherchais d’abord du côté du Kosovo où nous avions déjà skié, mais le manque d’abris possibles et l’humeur incertaine de la neige me poussèrent plus à l’Est. Les montagnes bulgares me rappelaient bien quelques anciennes lectures de jeunesse. La ligne de partage des eaux prend encore des libertés en suivant les crêtes du massif de Rila au sud de Sofia. Les cartes de montagne aléatoires et en cyrillique compliquaient l’investigation, mais je traçais une première ébauche d’itinéraire.
J’échangeais ensuite avec quelques relais locaux potentiels. Lubomir, président du syndicat des accompagnateurs bulgares, tout d’abord un peu interloqué par l’idée, se prit au jeu. Quelques cabanes complétaient les rares refuges gardés et l’affaire semblait possible.
En ce mois de mars, nous sommes six copains, Suze, Denis, Claude, François, Monique et moi, au pied du massif du Rila pour réaliser un raid en traversée. Compte tenu des incertitudes, nous avons pris quelques jours supplémentaires pour pouvoir attendre des conditions satisfaisantes ou parcourir en extra, l’autre massif de la région, le Pirin. La météo balkanique inonde de soleil généreux la région, mais se rebiffe aussi en tempêtes violentes. Ici se côtoient la bise glaciale continentale et le vent chaud méditerranéen, des versants nord poudreux et des pentes sud transformées. Montagnes de contrastes, très alpines à l’ubac et tout en moutonnements infinis vers le sud. Il faut craindre tout autant les plaques à vent que les traversées sans fin en courbe de niveau, en pleine chaleur ou blizzard. Il y eut donc des avancées à tâtons dans le brouillard, entre GPS précis et cartes improbables. Mais aussi des arabesques de neige poudrant un ciel d’azur. Jour après jour, nous avons grapillé la montagne d’ouest en est.
Isolés parmi les ondoiements d’altitude au cœur du Parc National, soudain un grésillement d’abeilles précède l’arrivée d’une caravane de skidoo, pétaradants et carapaçonnés. On nous explique qu’il s’agit ici du seul secours possible, car il n’existe pas d’hélicoptère disponible. Nous comprenons vite que cette activité est illégale, mais permise. Au sein de l’Europe, la nature des Balkans est malheureusement plus anthropisée que sauvage. Étrangers, nous saluons d’un « dobar dan » poli, mal placés entre ces zombies modernes et les ours endormis.
Après une longue journée grisante, nous rejoignons avec questionnement l’hébergement suivant, ce jalon que j’avais cherché désespérément sur les cartes. Difficile de résumer nos pauses nocturnes, faites d’accueils bienveillants dans des bicoques plus ou moins déglinguées ! Au final, ce fut très souvent de belles surprises : le gardien mi-finlandais, mi-bulgare, joueur de cornemuse du refuge Vazov, la cabane Kobilino Branishte et son poêle à bois improbable, le gite Granchar, en travaux et grand ouvert où Lubomir nous a rejoint inquiet, avec soupes, vin et bonne humeur. Même dans le Pirin, nous irons de découverte en surprise avec la maison Demyanica, tristounette, enfumée a l’accueil généreux du gardien, de son chien et de son chat, ou le refuge Vihren, les histoires, les bocaux de compotes et la bouteille d’Yvan, monté là pour nous accueillir.
Tout en haut du Musala, plus haut sommet des Balkans à près de 3000m, nous débouchons des longues pentes sud isolées encore émerveillés. Et là, retour brutal à la civilisation avec la massive station météo, les câbles rouillés et deux olibrius, torse nu, baskets et tatouage, hilares. Ainsi va le bout oriental des montagnes d’Europe! Nous rejoignons les pistes de la station de Borovets, aux termes de notre traversée, enrichis de ce décalage unique que provoque la fréquentation des montagnes. Comment expliquer avec des mots le spleen du retour, après ces heures de froid, de vent violent, les angoisses pour trouver l’itinéraire parfait, jubilatoire et sans danger? Comment raconter aux « autres » que la montagne peut suffire à remplir la vie d’un homme…
Nous poursuivrons ensuite vers le massif du Pirin, où d’autres envolées à ski nous attendent. Décrire la beauté de l’écrin de montagnes autour du refuge Tevno Ezero, où seuls au monde, nous ferons tinter les cloches. Encore des virages, des sommets, des cols, des choix pour chevaucher les montagnes. Le ciel outrenoir nous pousse enfin à éviter le mont Vihren, ultime sommet. Nous skions lentement vers des pistes aseptisées et un bel hôtel, signant notre retour sur terre. Plus à l’Est, l’Éden du Fil de l’Europe n’offre plus d’espace à la neige. Mais encore des centaines de kilomètres en VTT pour atteindre les rivages de la mer Egée…
- Difficulté 80%
- Hébergement – Confort 20%
Le tracé est-il réalisable? Est-ce que nous allons trouver du bois, des couvertures à l’étape? La météo va-t-elle tenir? Surprise, surprise…
Détails du parcours
Ce raid à ski en traversée du Rila, assez sportif, cumule 90 km et 6000 m de dénivelé (moyenne 17 km et 1160 m par jour). A cela il faut compter sur un sac non négligeable, car deux étapes sont en cabane et refuge non gardé (voir ci-dessous). Nous avons ajouté 2 ou 3 étapes supplémentaires dans le massif du Rilin, à la fois pour le plaisir, mais aussi comme réserve de jours tampon en cas de mauvaises conditions dans le Rila. La météo est très changeante dans les Balkans à mi-chemin de la Méditerrannée et de la mer Noire.
Pour l’organisation logistique et les conseils, nous avons utilisé l’aide logistique précieuse de l‘Agence Odysseia et de son fondateur Lubomir Popiordanov, très sympa et montagnard compétent: lpopiordanov@gmail.com
J1 Pionerska – Refuge Yvan Vazov. Possibilité d’ajouter le Mont Otovica 2700m au passage, mauvais temps pour nous. Au départ, on peut prendre le télésiège ce qui fait gagner 500 m, mais notre discipline de faire l’intégralité du Fil de l’Europe nous a fait monter à ski!
11 km 1100 m
Départ: Sofia (2h de route) ou hôtel*** Emaly Green à la station thermale Sapareva Banya (thermes vraiment bien) ou Malka Yurta hut à Pionerska (pied télésiège). Arrivée: refuge Yvan Vazov gardé.
J2 Refuge Yvan Vazov – Mont Malyovitsa 2730 m – refuge, puis station de Malyovitsa
18 km 900 m
Refuge de Malyovitsa gardé ou chalet restaurant Tchainata dans la petite station de Malyovitsa que Lubomir nous avait choisi pour déposer du matériel supplémentaire pour la suite du raid (ajoute une petite heure le lendemain).
J3 Malyovitsa – Cabane Kobilino Branishte. La cabane a 8 couchages, des couvertures, un poele à bois (vérifier si il y a du bois, car rare dans le coin).
12 km 1000 m (2 km et 800 m si on part du refuge)
Cabane Kobilino Branishte
J4 Cabane Kobilino Branishte – refuge Grantchar. Longue étape à faire par bonne visibilité.
24 km 1400 m
Refuge Grantchar non gardé en 2024, mais à priori en rénovation. Nombreux couchages, couvertures, poeles avec bois.
J5 Refuge Grantchar – Mont Musala 2925 m – station intermédiaire du télécabine de Borovec (pas assez de neige pour descendre au pied de la station). Etape sérieuse.
20 km 1400 m
Borovets, nombreux hôtels dans la station.
J suplémentaire dans le Pirin Refuge hôtel Bezbog – refuge Demyanitsa. Passage assez alpin via le refuge Tevno Ezero non gardé, mais vraiment charmant dans un lieu magnifique (possibilité de couchage avec couverture, poele à bois, et bon équipement)
15 km 700 m
Départ refuge hôtel Bezbog, atteint en télésiège depuis Golce Delgev – Arrivée: refuge Demyanitsa gardé
J suplémentaire dans le Pirin Refuge Demyanitsa – Mont Todorka 2750m – Refuge Vihren. Etape modifiée à cause du mauvais temps, belle descente sur la station de Bansko, traversée et remontée au refuge Vihren. L’éperon ouest du Mont Todorka n’était pas en condition à notre passage (rocher et glace), sinon semble un bel itinéraire de descente sur le refuge
15 km 1350 m
Refuge Vihren non gardé (nombreux couchages et couvertures). Le gardien peut monter pour un groupe et prépare un repas simple.
J suplémentaire dans le Pirin Ascension du Mont Vihren – Bansko. Prévue, mais non fait, météo tempétueuse.
13 km 1100 m
Welness hôtel Bansko****. Bansko est une belle station assez traditionnelle.
Pour les parties en autonomie, prévoir nourriture, gaz, gamelles et réchaud. Nous avons toujours trouvé des couvertures en nombre suffisant, mais nous avions par prudence un sac de couchage léger. Crampons et couteaux sont nécessaires. Nous n’avons pas utilisé le piolet. Une balise ou téléphone satellite (type In reach de Garmin) est une sécurité, car le portable ne passe pas majoritairement.
Attention, la météo dans ces massifs est très changeante ( prévisions Mountain forecast), vent du nord de Russie très froid, vent du sud de la mer Egée violent. Les cartes sont approximatives et l’écriture cyrillique complique la tâche. Les secours ne viennent qu’en skidoo, car il n’y a pas en 2024 d’hélicoptère affecté à la montagne: tel secours bulgare +359 2 963 2000.
Les tracés et étapes en été à pied ou en vtt électrique ou musculaire restent à inventer, que ce soit avec hébergement ou en autonomie sous tente, ou encore un parcours en sens inverse. Avis aux amateurs, n’hésitez pas à nous envoyer vos traces et commentaires.
Liens
- Ici un lien vers une autre page avec new window
0 commentaires